L'inauguration du 14 mai 1939
Inauguration de l'Exposition du Progrès Social organisée conjointement avec Lille le 14 mai 1939 au Parc Barbieux avec : M. Gentin, Ministre du commerce, à sa droite M. Jean-Baptiste Lebas, Maire de Roubaix et deuxième personne à sa gauche M. Pomaret, Ministre du Travail.
La visite présidentielle du 4 juin 1939
M. Albert Lebrun, Président de la République, à sa droite M. Jean-Baptiste Lebas, Maire de Roubaix à l'entrée de l'Exposition du Progrès Social en 1939.
Albert Lebrun était le président de la République Française en fonction lors de l'ouverture de l'exposition. Il venait d'être investi, le 5 avril 1939, pour un second mandat. Son nouveau septennat débutant officiellement le 10 mai 1939, il fera le voyage à Lille et Roubaix pour l'inauguration de l'Exposition du Progrès Social, le 4 juin 1939.
Ci-dessus : Document paru dans le Figaro le 5 juin 1939
Ci-dessous : Le Cortège présidentiel dans une revue de l'époque
Le Journal de Roubaix du 5 juin 1939
Le lendemain de la visite du président de la République Albert Lebrun, à l'Exposition du Progrès Social, le Journal de Roubaix publie un reportage complet avec deux pages de textes (pages 2 et 3) et de nombreuses photographies en pleine page (pages 4 et 5).
« Votre grand département occupe la première place entre
tous. Il la justifie par la densité de sa population, sa puissance de travail,
la contribution qu'il apporte au Trésor public, puisqu'il paye, à lui seul,
autant d'impôts que les cinquante départements les moins chargés. Temple des
familles nombreuses. il donne, dans le domaine de la natalité, un exemple de
compréhension et de courage, qu'on ne saurait trop louer. »
L'hommage enthousiaste
La journée du 4 juin 1939 restera inscrite dam les fastes de
la région. Roubaix d'abord, et Lille ensuite, ont fait au chef de l'Etat un
accueil enthousiaste. Dans notre longue carrière de journaliste, nous avons été
rarement le témoin d'une manifestation aussi vibrante de foi républicaine et
patriotique.
Toute la sympathie qu'inspire l’éminente personnalité de M.
Albert Lebrun s'est traduite, hier, par les marques les plus spontanées et les
plus sincères. Quand, dans nos rues, sur le passage du cortège, les bravos
crépitaient, et que les bras s'agitaient, nos foules du Nord, oubliant leur
habituelle réserve, montraient une joie dont l'exubérance était toute
méridionale. Il est vrai qu'un soleil aux ardeurs inaccoutumées présidait à la
fête, et que les esprits et les cœurs réalisaient, sous les drapeaux tricolores,
une union complète.
Car, il convient de le souligner de suite, l'effet principal
de la visite présidentielle est d'avoir rapproché tous les citoyens, de les
avoir fondus, pour ainsi dire, dans un même sentiment de loyalisme, de
reconnaissance et de fierté nationale. Tout le monde participait aux belles
cérémonies de la matinée et de l’après-midi. Les plus hautes autorités étaient
là. Le cardinal-évêque de Lille en tête. Les élus de tous les partis
fraternisaient autour du Président, vivant symbole du régime et de la patrie.
Seule, la politique n’avait pas été invitée, et il faut s’en féliciter.
Pour nos populations, la journée de dimanche a été une
journée d’allégresse et de réconfort. En même temps que le Président de la
République, dont la popularité grandit avec le désintéressement et le
dévouement, elles ont pu acclamer l’armée, qui dans les circonstances
actuelles, représente aux yeux de tous les Français, la confiance et la
sécurité. Il est possible, il est même certain que les échos des manifestations
enthousiastes de Lille et de Roubaix se répercuteront au delà des frontières,
pour dire au monde que la France est unanime dans sa volonté de développer le
progrès social, de maintenir son prestige, de défendre sa liberté.
Ils répèteront aussi, ces échos, portés par les ondes,
qu'une France qui, vingt ans après l'épreuve d'une terrible guerre, peut offrir
le spectacle, dans le cadre des régions envahies et dévastées, de toutes les réalisations
les plus modernes de son génie et de sa solidarité, est une France qui impose
au monde le respect, une France qui mérite, pour le bien de la civilisation universelle,
de pouvoir continuer à travailler dans la paix.
Louis Dartois
« L'âme flamande n'est pas faite seulement d'action tendue
vers les profits matériels et la douceur d'un ciel qui la baigne d'une lumière
finement nuancées, la sévérité́ d'un sol avare de beautés naturelles, l'ont épurée
et élevée. Elles ont mis dans les esprits une gravité à qui nous devons cette école
de peinture aux œuvres si prenantes, ces productions musicales et littéraires
qui parlent si éloquemment à la pensée et au cœur !... »
Photo : M. Albert Lebrun, suivi de MM. Marc Rucart, Gentin,
Marchandeau, Pomaret et des personnalités officielles, traverse la Grand’ Place,
à Roubaix.
L’arrivée du président à Lille
L'escorte présidentielle quitte le parc Barbieux par
l'avenue Jean-Jaurès et gagne Lille, tandis que la foule qui se fait de plus
en plus dense à mesure que l'on s'approche de la capitale des Flandres,
multiplie ses acclamations et ses vivats.
A l'entrée de Lille, le cortège marque un court arrêt,
tandis que les spahis algériens, qui partagent avec l'escadron de spahis
marocains que l'on vit à Roubaix, l'admiration de la foule, se dressent sur
leurs étriers, sabre au clair.
M. Saint-Venant, député-maire, accueille le président et
prend place à ses côtés dans la voiture.
Retenue par un cordon de soldats de toutes armes et par les
gardes mobiles, qui lui font face, suivant le nouveau règlement, une foule
énorme dans Lille pavoisée, dans Lille tricolore, acclame le chef de l'Etat,
qui salue avec bienveillance de la main.
Arrivé sur la Grand'Place, le président met pied à terre,
après qu'au petit trot eut débouché l'escadron blanc et rouge qui égaie la
ville en fête de ses couleurs éclatantes.
M. Albert Lebrun se rend au monument aux morts, il passe
entre une double haie de drapeaux français et alliés portés par des anciens
combattants, tandis que, de la foule, montent les acclamations.
Le président s'incline et dépose une gerbe de fleurs ; la
musique militaire du 43e R. I. fait entendre la sonnerie « Aux champs »... un
silence religieux plane sur la foule...
Avant de quitter la place Rihour, le président vient serrer
la main aux anciens du 5e régiment d'artillerie à pied, dont il fit partie...
Et le cortège reprend sa route dans la cité toute baignée
de lumière et de couleurs, tant dans la rue Nationale que boulevard de la
Liberté́, l'enthousiasme populaire se donne libre cours.
Cette journée, riche en manifestations grandioses, offre au
chef de l'Etat un nouveau spectacle qui grise l'âme : c'est l'aspect de la
place de la République, face a la préfecture, où le carré des troupes et des
spahis, où les uniformes et les armes composent un ensemble martial dans un
cadre idéal.
Il est midi 45 ; le président et sa suite gravissent les
degrés du perron de la préfecture, où les gardes mobiles, sabre au poing, font
la haie d'honneur.
M. Albert Lebrun s’attarde un moment, et contemple la vue
éblouissante qui s'offre à ses yeux : la place de la République, cernée par la
foule qui l'acclame, et au centre, l'armée au garde-à-vous...
C'est ensuite le banquet offert dans l'immense salle des
fêtes par le Conseil général du Nord.
La garde d'honneur au cortège rue de la Gare, accompagnant M. Albert Lebrun, Président de la République lors de sa visite à l'Exposition de progrès social. Cette garde d'honneur appelée "les Spahis" est une unité de cavalerie appartenant à l'armée d'Afrique qui dépend de l'armée de terre française. Ce corps militaire était composé d'indigènes et d'étrangers.
Le banquet à la préfecture
M. le président de la République préside ce banquet, ayant
à ses côtés M. Lebas et M. Marchandeau et les personnalités déjà citées
auxquelles se sont joints :
S E. le cardinal Liénart ; M. Krier, ministre du Travail du
Luxembourg ; MM. Fanck. chargé d'affaires du Grand-Duché de Luxembourg ;
Baela, gouverneur de la Flandre occidentale, représentant S. M. le roi des
Belges ; Delattre, ancien ministre belge du Travail ; Grimpret, vice-président
de la S.N.C.F.
M. le général de division Tence ; Mgr Lotthe, secrétaire
particulier de l'évêché́ ; M. le général de division de Camas ; Sir Robert
Cahill, conseiller de l'ambassade d’Angleterre ; M. le général de brigade
Harduin de Grosville ; M. le général de brigade Nicolle : M. le
médecin-général Fontan ; M. le général de brigade Trancart ; M. Perrier, vice-président
du Conseil général ; M. Blanc, trésorier payeur général ; M. Bugniet,
directeur de la Compagnie des Wagons-Lits ; M. Barbier, administrateur de
l'Agence Havas ; M. Philippi. secrétaire général de la Société́ nationale
des chemins de fer ; M. Begardin, chef de service de l'exploitation de la région
Nord de la S. N.C. F. ; M. Dubar, président du Syndicat de la presse du Nord ;
M. l'intendant général Daumas, etc, etc
Au dessert des discours sont prononcés dont nous publions ci-après
des extraits.
M. Lebas, président du Conseil général du Nord
Au nom du Conseil général du Nord. M. Lebas exprime les
remerciements unanimes de toute la population du département, qui, depuis le
matin, témoigne au président sa joie de le recevoir.
Commentant le but de l'exposition. M. Lebas déclare :
« Vingt ans après la libération du territoire, les maires
des cités martyres ont eu la grande idée d'exposer aux yeux de là France et de
l'Europe les beaux résultats d'un travail persévérant et opiniâtre tel, que je
ne connais pas de plus belle manifestation de l'activité réalisatrice sur le plan
municipal. Avec raison, on lui a donné le beau nom de progrès social.
« Veut-on savoir ce qu'il faut entendre par progrès social ?
Il suffit de visiter notre exposition qui en est la meilleure et la plus exacte
définition. Après l'avoir parcourue, on en comprend parfaitement toute la
signification ».
Faisant l'éloge de la solidarité, le député-maire de
Roubaix poursuit :
« C'est elle qui, dans ces vingt dernières années a fait
faire à l'hygiène et à la santé publique de si grands progrès par les
travaux d'urbanisme, l'extension des réseaux d'eau potable, la construction d’habitations
ouvrières.
« En résumé, l'exposition des départements du Nord et de
l'Est nous montre ce qu'est le progrès social ; même limité à la commune, il
réside dans un ensemble de mesures dont l'effet est de favoriser, d'aider le
développement de là personne humaine prise d'abord isolément, puis dans la
famille et la cité. J'ajoute : dans la nation. C'est pourquoi les communes
sont fondées à réclamer l'aide de l’Etat pour le grand effort qu'elles sont
appelées à faire si elles veulent remplir tout leur devoir envers l'enfance,
la mère, l'homme et la famille ».
Le président du Conseil général conclut :
« Cette réalisation magnifique dont nous avons tous le droit
d'être fiers, atteste la puissance de travail et les progrès accomplis dans les
régions du Nord et de l'Est ; elle traduit aussi la volonté́ de ses populations
de persévérer dans l'effort de mieux - être, d'amélioration continue qui ne
peut s'exercer que dans la liberté́ maintenue et dans la paix consolidée et
organisée.
Je lève mon verre à Monsieur le Président de la République,
à la France démocratique et pacifique, à la paix du monde !... »
M. Mahieu, président du Comité de l'Exposition
M. Mahieu, après avoir remercié M. Lebrun, au nom des
quatorze départements du Nord et de l'Est, poursuit :
« Ministre des régions libérées, vous avez présidé́ à la
mobilisation des bonnes volontés, au rassemblement des énergies qui permirent
à nos départements de relever leurs ruines et qui furent qualifiés par l'un
des plus sincères amis de
notre pays, par le grand écrivain Ruydard Kipling, de «
miracle français... » Vous avez aidé nos compatriotes non seulement comme un homme d'Etat, qui s'acquitte des devoirs de sa charge, mais mieux encore, comme un ami qui est heureux de secourir les siens et de ramener l'espoir
dans leurs foyers ».
Evoquant l'œuvre d'après guerre, M. Mahieu ajoute :
« Dans l'émouvant appel que vous avez adressé au peuple français,
vous disiez récemment, Monsieur
le Président, que la France entendait poursuivre chez elle, dans la tranquillité et le travail, sa tache de progrès social. Vos paroles ont éveillé chez nos
concitoyens un écho d'autant plus chaleureux qu'elles répondent à leurs plus chères
aspirations. Vous trouverez à Lille et à Roubaix, dans les divers secteurs de
cette exposition, qui est un acte de foi, la vivante illustration de votre affirmation.
Dans toute cette région de l'Est, dans toute cette région du Nord, où le
patriotisme prit à toutes les époques de notre histoire une forme passionnée
dans tous ces départements qui eurent tant a souffrir au cours des siècles et
dont les habitants se dresseraient à nouveau, si les circonstances
l'exigeaient, pour la défense de nos libertés et de notre patrimoine, on a
toujours souhaité que l'émulation des peuples s'exerçât pacifiquement ».
Le distingué président de l'exposition analyse ensuite
l'œuvre qu'elle représente et qui est due à l'Association des maires du Nord et
de l'Est. Puis il exprime ce vœu :
« Je demanderais qu'aussitôt que la situation budgétaire s'y prêtera, on donne à nos municipalités
la possibilité de reprendre les travaux en suspens et d’en entreprendre de
nouveaux.
Et il conclut :
« Nous ne croyons pas qu'il soit indiffèrent qu’à l'heure ou
retentissent tant de bruits inquiétants, nos départements du Nord et de l'Est
offrent a toute l'Europe le spectacle de la plus étroite union, le spectacle d'un
courage qui ne fléchit pas et d'un labeur qui se refuse à tout ralentissement.
Nous ne croyons pas qu'il soit inutile qu'à l'heure ou certains commencent à désespérer
de la raison humaine, les populations qui furent les plus éprouvées dans le
passé et demeurent prêtes à tous les sacrifices, proclament la suprématie du
travail et rappellent que les hommes de tous les pays ont le devoir de lutter côte
à côte, pour alléger la peine des travailleurs, pour accroitre le bien-être et
la sécurité́ des foyers.
Ce message de paix, ce sera, quoi qu’il advienne, l'honneur
des habitants des Marches de l'Est et des Marches du Nord confiants dans les destinées
de leur pays et sûrs de sa force, de l'avoir adressé, dans une période pleine
de trouble, aux peuples qui n'ont pas abdiqué toute espérance ».
M. Daniel Vincent
M. Daniel Vincent, ancien ministre, sénateur du Nord,
parlant au nom des représentants du Nord et de l'Est, prononce ensuite une allocution
dont voici les principaux passages :
« Vous venez parmi nous comme un des nôtres, vous avez nos
origines, vous avez connu les postes de nos labeurs, vous avez médité au seuil
des marches de notre patrie. Par la collaboration heureuse des départements et des villes
qui se sont associés au grand dessein aujourd'hui achevé, ces pavillons
d'accueil sont des dépendances de chacune des unités territoriales qui les ont rassembles
et nous pouvons ainsi dire à nos collègues que c'est véritablement chez eux
que nous avons l'honneur de les recevoir.
Après avoir exalté l'idée qui a présidé a l’exposition M
Daniel Vincent déclare : Un milieu qui nous est cher et à tous familier, y
mérite un beau pavillon virtuel : c'est l'armée. Elle ne se sépare est rien de la vie
nationale et elle en exalte les plus hauts désirs. Elle a de longtemps déjà et par une attention continue, amélioré la condition du soldat. Il y a longtemps déjà
qu'un Jeune chef dont la vie devait être un pressentiment continu et qui
devint le maréchal Lyautey, écrivait un livre qui fut une révélation et on
appel sur le rôle social de l'officier...
D'autre part, une condition est nécessaire au travail
national, à la confiance en lui-même dont il à besoin, au progrès qui
l'inspire et qu'il réalise, c'est la sécurité et la paix. Pour préserver la
paix contre les entreprises jusqu'ici trop assurées de la violence, nos
armées sont au travail, elles aussi, a leur tâche pour la sécurité du pays.
M. le Président, dans le tableau qui s'est offert à vous
des activités sociales de nos réglons, vous avez reconnu à cet égard les
traits essentiels de notre pays tout entier et nous vous en confions le
souvenir, comme celui d'une contribution à l’unité morale, à la prospérité
et à la grandeur de la France.
Au nom des représentants des réglons du Nord et de l'Est
au Parlement, je lève mon verre en l'honneur de M. Albert Lebrun, président
de la République …»
M. Marchandeau, ministre de la Justice
Au nom des membres du gouvernement, M. Marchandeau, ministre
de la Justice, prend la parole.
Il déclare notamment :
« Pour bien Juger l'exposition de Lille, il faut se remémorer
le spectacle qu'offraient au lendemain de la guerre les quatorze départements
qui ont rivalisé d'ingéniosité dans la présentation du beau Centre
régional du parc Barbieux, à Roubaix. »
Après avoir dressé le tableau de la reconstitution, le
ministre de la Justice souligne combien il est édifiant que l'exposition
dresse ses bâtiments dans ce pays qui s’est si magnifiquement remis au
travail.
Il conclut :
« Par une coïncidence que dans leur sincérité pacifique,
les créateurs de l'Ex position n'avaient pas pu prévoir, il a fallu réaliser ce
qu'ils avaient conçu, au moment même où le ciel de l'Europe s'est chargé de
lourds nuages. Mais pas plus à Lille que dans les départements du Nord et de
l'Est, appelés a concourir au succès de l'Exposition de 1939, ne s'est manifestée
la moindre hésitation.
Et le ministre salue l'œuvre des organisateurs de l’exposition
qui ont admirablement servi la volonté du président Daladier, tout entière
appliquée à sauvegarder la grandeur française … »
Ci-dessous le détail des photographies
Article paru dans le journal " La Petite Gironde " relatant l'inauguration de l'Exposition du Progrès Social par Albert Lebrun, président de la République le 4 juin 1939. Voir ici cet article de Louis Daussat.
Le banquet du 4 juin 1939